Les discussions difficiles sont inévitables, tant dans un contexte personnel que professionnel. Manquer de connaissances ou de ressources pour y faire face peut rendre un échange réellement inconfortable, voire briser la relation.
En tant que manager, vous devrez aborder un sujet plus difficile avec des salariés, ce qui peut être une grande source de stress.
La réussite de ce type de discussion dépend, certes, de choisir le bon moment et lieu, et d’être préparé. Mais ce dont elle dépend le plus est de la qualité de la relation qui vous unit à votre interlocuteur et de vos aptitudes relationnelles.
Cet article :
- Explique l’influence d’une relation forte sur l’issue d’une communication difficile;
- Présente 5 techniques de communication pour gérer les discussions difficiles.
L’influence de la relation sur l’issue d’une communication difficile
La solidité de la relation influencera toujours le dénouement de toute discussion plus difficile. Vous pensiez aborder un sujet délicat avec un collaborateur de la même façon qu’avec un proche? Vous faites fausse route. Chaque relation est unique, et plus elle est profonde et sincère, plus le terreau est fertile aux échanges honnêtes ou difficiles.
Guillaume Dulude, neuropsychologue, auteur best-seller spécialisé en psychologie des relations humaines, en stratégies de communication interpersonnelle et en développement du leadership, affirme que plus une relation est solide et profonde, plus elle peut résister aux épreuves et durer dans le temps malgré les difficultés. Par exemple, un conflit explosif avec un ami que l’on connaît depuis peu occasionne plus de dommages que le même conflit avec un ami qui est dans notre vie depuis 10 ans.
Bien sûr, vous ne pouvez pas vous attendre à avoir la même proximité avec les membres de votre équipe qu’avec vos proches. Cependant, il existe plusieurs façons de développer une relation authentique et positive avec vos salariés : en travaillant votre intelligence émotionnelle, d’abord, en prenant du temps en meeting one-to-one avec chacun de vos collaborateurs, en vous montrant vulnérable au bon moment, etc.
Voici d’ailleurs 5 excellents articles qui vous permettront de créer des relations plus fortes avec vos employés :
- Les 9 qualités d’un bon manager
- 9 gestes pour développer votre intelligence émotionnelle
- Soft skills : 7 aptitudes à travailler
- 10 trucs pour communiquer efficacement au travail
- L’outil secret des meilleurs managers : l’intelligence émotionnelle
5 techniques de communication pour gérer les communications difficiles
Que la relation soit forte ou non, les discussions difficiles demeurent inévitablement des moments délicats. Des techniques de communication spécifiques pourront néanmoins en atténuer les possibles effets négatifs.
1. Montrez-vous vulnérable
Saviez-vous que plus on se montre vulnérable dans nos échanges avec une personne, plus cette dernière sera aussi disposée à en faire autant?
La vulnérabilité est le Saint Graal des relations interpersonnelles, en ce sens qu’aucune relation solide et authentique n’est possible sans elle.
Mais comment se montre-t-on vulnérable en tant que manager, me demanderez-vous?
D’abord, dehors le small talk. 🙅♀️
Ces échanges autour de la météo et du dernier match du Canadien ne contribuent pas à construire des relations solides ou durables. Ils sont équivalents à faire du sur-place. Ils ont leur utilité, par contre, mais c’est une autre histoire.
Vous remarquerez que le small talk crée souvent un enchaînement de futilités qui n’amène personne plus loin et qui se termine généralement assez rapidement.
Ce sont plutôt les interactions franches, ou encore mieux, teintées d’émotions, lors desquelles on raconte notre vécu ou nos défis, qui font que notre interlocuteur accède à une portion vulnérable de soi.
L’échange authentique est riche et peut donner lieu à un sentiment de rapprochement, d’attachement qui grandit. Les meetings one-to-ones sont d’ailleurs un moment idéal pour montrer sa vulnérabilité.
Pourquoi se montrer vulnérable pour gérer une communication difficile?
La vulnérabilité partagée renforce la relation et la rend, pour ainsi dire, résiliente. C’est cette résilience de la relation qui fait en sorte que des sujets plus délicats peuvent être abordés sans trop de dégâts. Quand une relation est trop superficielle ou fragile, un rien peut y mettre un terme.
En pratique
Une nouvelle salariée intègre votre équipe et vous apprenez à la connaître.
❌ Salut Sophie! Puis, pas trop difficile d’intégrer ta nouvelle équipe? J’espère que tes nouveaux collègues font bien attention à toi!
La dernière phrase coupe la possibilité pour Sophie de réellement parler de comment elle se sent dans sa nouvelle équipe. La réponse attendue est presque certainement un timide « oui ça va ».
Essayons plutôt :
✅ Salut Sophie! Veux-tu venir t’asseoir un moment?
Une fois assis.
Personnellement, je trouve toujours bien difficile de quitter une équipe dans laquelle je suis habituée pour en intégrer une nouvelle, recréer des relations et tout. C’est un gros défi. Comment te sens-tu, toi, dans la nouvelle équipe?
2. Développez votre écoute active
Bien communiquer commence avec savoir écouter. Une personne qui se sent écoutée et accueillie lorsqu’elle parle sera plus à l’aise de s’ouvrir. Démontrez de l’intérêt envers votre interlocuteur, rendez-vous vraiment disponible.
L’écoute active est une habileté en or quand il est question de développer une relation.
Les principaux éléments qui font partie de l’écoute active sont :
- Se mettre à la place de l’autre;
- Décoder le langage non verbal;
- Écouter pour comprendre et non pour répondre;
- Privilégier les questions ouvertes;
- Reformuler pour s’assurer de notre compréhension;
- Être à l’écoute et mettre ses limites.
L’écoute active consiste à écouter en se rendant à 100 % disponible pour l’autre personne et à poursuivre un seul et unique objectif : comprendre son interlocuteur. La reformulation — intervention qui vise à résumer ou à préciser en d’autres mots ce qui vient d’être exprimé par une personne — est par ailleurs un allié de choix.
La reformulation est un instrument qui contribue à bien communiquer. Elle sert à améliorer l’écoute, à encourager la parole de chacun, à la mettre en valeur. Elle sert aussi à vérifier, à rectifier avec nuance, à dédramatiser, ce qui a été dit.
Pourquoi développer l’écoute active?
Une relation ne peut pas exister sans réciprocité. La réciprocité veut dire que chacun donne du sien, que c’est un processus mutuel. Elle passe entre autres par le fait d’écouter quand c’est le temps. Être à l’écoute en laissant sincèrement de la place à l’autre lui donne de l’importance et renforce la relation. Rappelons qu’une relation forte devient résiliente, et à la manière d’un humain résilient, elle est plus en mesure de « survivre » aux discussions difficiles.
En pratique
Julie vient vous parler de la relation difficile qu’elle entretient avec son collègue Simon, qui lui parle avec manque de respect.
❌ Ah oui Simon… Tout le monde le trouve un peu dur à vivre, mais il est efficace. Ignore-le… (sous-entendant qu’il faut ignorer sa mauvaise façon de s’adresser aux autres).
✅ Oui, ce que je comprends est que le comportement de Simon affecte ton moral et que tu ne te sens pas aussi motivée au travail à cause de ça.
La suite pourrait être de vérifier quel est son besoin en vous en parlant et de voir auprès des autres membres de l’équipe si la situation avec Simon doit être abordée au sens large.
3. Parlez des actions et du ressenti, et non de la personne
Au moment d’avoir une conversation difficile, privilégiez toujours une description du comportement, et parlez de comment vous vous sentez. Toute forme de généralisation au sujet de la personne est à proscrire.
Pourquoi parler des actions et du ressenti plutôt que de la personne?
Lorsque l’on parle des actions et du ressenti, l’interlocuteur a moins de risque de se sentir attaqué. Tout comme un parent a avantage à parler du comportement de son enfant « je n’aime pas quand tu me parles sur ce ton-là », plutôt que de généraliser « tu es tellement impoli! », la même loi s’applique aux échanges entre adultes.
En pratique
Votre collaboratrice Sonia se trouve souvent au cœur de conflits au sein de l’équipe, et le reste de votre équipe est éreinté.
❌ Tu es au cœur de tous les conflits et l’équipe est vraiment tannée. Si ça continue comme ça, la plupart ne voudront plus travailler avec toi.
✅ Lorsque tu réponds abruptement à tes collègues, cela crée des conflits et de l’irritation. Je trouve dommage que l’harmonie de l’équipe soit compromise par ces conflits. Qu’en penses-tu? J’aimerais qu’on discute de la situation.
4. Prenez la parole au moment opportun
Il a été établi que dans une conversation informelle, l’intervalle entre les prises de parole ne dure en moyenne que 200 millisecondes, et souvent moins. Alors qu’il faut 600 millisecondes pour se préparer à prononcer ne serait-ce qu’un seul mot, et 1 500 pour préparer les phrases les plus simples, qu’est-ce que cette marge nous dit?
Vous me voyez venir, n’est-ce pas?
Cela signifie que pendant que notre interlocuteur parle encore, notre cerveau est très souvent occupé à préparer ce que nous allons dire au prochain tour de parole, et ce, sans avoir entendu l’entièreté de ce que l’autre va dire.
Dans le même temps, même si nous nous préparons à parler, nous devons rester à l’écoute, afin de vérifier notre prévision et d’intervenir au moment opportun. Ce mode de fonctionnement multitâche est très exigeant sur le plan cognitif.
C’est précisément ce que l’on doit tenter d’éviter le plus possible lorsqu’on doit avoir une communication difficile.
Pour bien communiquer, il faut donc faire preuve d’un grand contrôle et retenir son impulsion de parler. La raison est simple : votre salarié n’est pas dupe, il détectera rapidement que vous n’êtes pas pleinement en mode écoute.
👉 Qui plus est, prendre un moment de réflexion AVANT de parler permet de s’exprimer plus sagement. Et ceci est d’autant plus vrai lors d’une discussion plus difficile, puisque certaines émotions sont engagées. Des émotions qui peuvent perturber le jugement et conduire à une mauvaise communication.
En pratique
Prendre la parole au moment opportun signifie plusieurs choses :
- Ne pas couper la parole à son interlocuteur;
- Prendre un recul avant de s’exprimer si on sent que les émotions bouillonnent;
- Prendre des notes pour mieux revenir sur le sujet plus tard;
- Laisser des silences après les prises de paroles de votre interlocuteur.
Vous êtes en rencontre avec Mathieu, un employé qui vous annonce qu’il quitte pour une durée indéterminée. Il est épuisé et a vécu énormément de pression lors des derniers mois.
Alors que Mathieu est émotif et exprime ce qu’il vit :
❌ Vous parlez chaque fois que vous avez une idée ou encore le bombardez de questions.
✅ Vous laissez Mathieu s’exprimer et attendez qu’il ait fini, pour prendre le temps de bien assimiler ce qui a été dit avant de penser à ce que vous souhaitez répondre.
5. Déchiffrez le langage non verbal
La compréhension de la communication non verbale est une technique de communication d’une grande importance, puisqu’elle fournit de l’information complémentaire à la parole. Elle permet donc d’aller plus loin. La communication non verbale, qu’on appelle parfois aussi le langage corporel, réfère à tous les éléments d’une interaction qui n’appartiennent pas à la parole :
- La posture;
- La gestuelle;
- Les expressions faciales;
- Les mimiques;
- Le regard;
- L’intonation.
Étant moins contrôlable que les mots utilisés, le langage non verbal laisse souvent transparaître ce qu’une personne pense ou ressent réellement, même si elle ne veut pas le dire consciemment.
En pratique
Concrètement, ce qui importe est d’observer le plus possible les signes non verbaux de votre collaborateur, pendant votre communication difficile. A-t-il les bras croisés, ou est-il plutôt reculé ou penché vers vous? Roule-t-il les yeux ou a-t-il les sourcils froncés?
Pour aller plus loin, voici un article qui amène énormément de détails pour améliorer votre capacité à lire le langage corporel lors d’une discussion plus difficile :
La communication non verbale : s’exprimer au-delà des mots
Situation : Vous procédez à l’évaluation de rendement de Josée, l’une des membres de votre équipe. Vers la fin de la rencontre, vous parlez de progression de carrière et vous remarquez qu’elle semble agitée. Elle bouge plus sur sa chaise soudainement et se mord même la lèvre. Vous sentez qu’elle a peut-être envie de vous dire ou demander quelque chose.
❌ Vous vous en tenez au fait qu’elle n’a rien verbalisé et poursuivez comme si de rien n’était.
✅ Vous choisissez de demander à Josée s’il y a quelque chose qu’elle aimerait vous demander ou vous dire, sans toutefois insister.
La relation prime sur tout le reste, donc nourrissez-la!
Vous l’aurez compris, le dénouement d’une discussion difficile dépend surtout de la qualité de la relation qui vous unit à votre interlocuteur et de l’effort que vous mettez dans l’interaction en tant que telle. Si vous deviez ne retenir qu’une chose du présent article, ne négligez jamais l’importance de vos compétences relationnelles et humaines.
Soyez le gestionnaire humain que chaque salarié mérite.